Le temps, ce fils de p***

Il y a des trucs qu’on peut mettre dans des bouteilles, des cartons, des contenants de toute sorte, et il y a des trucs qu’on ne peut ni enfermer, ni retenir. Dans la première catégorie, nous pourrions citer des choses très diverses, comme le miel, les raisins secs, l’eau ou le sperme de loutre. Des choses que nous pouvons ranger dans des bouteilles, des cartons ou des tupperwares. Dans la seconde catégorie, il y a plutôt des trucs impalpables comme l’amour, la générosité, l’envie de manger de la viande ou encore, et c’est ce qui nous intéresse : Le temps.

Lorsqu’on y réfléchit bien, c’est plutôt le temps qui nous contient dans une boîte, tandis que, lui, avance. Un peu comme un petit chat persan que l’on mettrait dans une boîte de transport, elle-même sur le panier d’un vélo. Le temps, c’est le vélo qui roule, ou plutôt la personne qui le conduit. Nous, nous sommes le chat persan qui miaule de peur en voyant le décor changer au fur et à mesure. Nos vies, c’est la route qu’emprunte le vélo. Les crottes de chiens et les nids de poules, ce sont les aléas de la vie. Et les métaphores pourries, je les termine NOW.

Le temps ne me posait pas vraiment de problème jusqu’à mes 18 ans. Je pars du principe que mon expérience a certainement été partagée par beaucoup d’autres et que tu vas peut-être te retrouver dans ce que j’écris, petit lecteur. Ou alors suis-je définitivement fou, ce qui n’est pas exclu. Donc, oui, jusqu’à mes 18 ans, c’était plutôt tranquillou pépérou sur la route du chemin tracé de la facilité roadway to love. En gros, mes journées étaient dictées par l’école-le collège-le lycée, mes vacances organisées par mes parents, mon futur consistait à avoir de bonnes notes pour passer dans la classe suivante. Rien de très stressant. Jusqu’à ce que je me retrouve avec le bac en poche. Et là, soudain, le vide. Que faire ? Quel fac ? Et après l’université, faut un boulot, genre un vrai boulot, comme les grands ? C’est quoi ce que j’aime dans la vie ? Je fais un truc qui me plait ou un truc alimentaire ? Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux, qu’est-ce que je veux ? Soudain, le futur s’est transformé en gros monstre allongé au bout d’un tapis roulant, prêt à me manger. Moi, j’étais allongé nu et ficelé tel un gigot, par les pattes, avançant doucement vers le monstre, bouche ouverte et salivant d’impatience.

Soudain, le temps passé avec les gens que j’aimais raccourcissait, et le temps passé loin d’eux rallongeait. Soudain, le passé me paraissait plus doux, le présent, insaisissable, et le futur, terrifiant ou, au contraire, prometteur, mais trop loin. Comment lutter contre quelque chose dans lequel on est ? Comment arriver à se battre contre quelque chose qui n’a pas de forme et qui pourtant, est omniprésent. Le temps est Dieu. Dieu est à la fois amour, haine, et branlette intellectuelle. Car oui, à force de cogiter sur le temps, je pétais des boulons. Car forcément, le temps est au delà de toute loi, et il englobe tant de choses qu’il est même supérieur à la vie. Le temps existait avant, et il continue après notre vie. Où était-on avant de naître, où sera-t-on après la mort ? Si le temps continue, pourquoi pas nous. Angoisse, peurs et boules de laine.

A partir de cet instant, le temps est devenu mon ennemi

Face à la fuite du temps, j’ai alors décidé de me battre, sans abandonner. J’ai remarqué que le temps pouvait nous bercer d’illusion. Qu’une tâche à effectuer en deux jours était quelque chose qu’on laissait de côté, tandis qu’un travail à faire en deux heures motivait bien plus. De ce fait, j’ai compris que, paradoxalement, moins j’avais de temps, plus je pouvais l’exploiter, car j’arrivais alors à le gérer bien mieux. Finalement, l’oisiveté n’était pas la solution, et avec un travail, des horaires fixes et des impératifs, j’ai trouvé de quoi découper le temps, le diviser à ma volonté, et y placer ce que je voulais. C’était ma première victoire sur le temps. J’étais arrivé à m’en servir comme d’une arme. Je n’avais jamais été aussi productif que depuis que j’avais moins de temps.

Mais au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je n’étais pas si gagnant que ça. Le temps est un bâtard qui te laisse gagner une bataille pour mieux t’achever ensuite. Car en croyant maîtriser le temps, j’étais devenu encore plus son esclave. A force de vouloir le diviser et de tenter de faire un maximum de choses dans un laps de temps défini, je me suis rendu compte d’une chose terrible : je faisais ces choses moins bien qu’avant, et j’y prenais moins de plaisir. En gros, la quantité primait sur la qualité. Je m’étais mis à courir. Vers où, vers quoi, dans quel but, je l’ignore… mais toujours est-il que je courrais, et que je cours encore. Le temps kiffe quand on court. En fait non, le temps s’en moque. Il nous regarde nous agiter ou nous noyer dans l’inactivité avec dédain.

Le temps n’a de respect que pour ceux qui ont appris, non pas à le maîtriser, mais à l’ignorer aussi bien que lui, nous ignore. L’ignorer, non l’oublier. Savoir qu’il existe, mais le laisser de côté. Connaître ses lois, faire avec celles contre lesquelles on ne peut rien, mais ne pas se laisser influencer par les autres. Je ne suis qu’au début de ce nouveau constat, et je pense que j’apprendrai certainement d’autres choses sur le temps, avec d’autres désillusions et d’autres découvertes. Mais j’ai appris à prendre le temps. Non pas à s’ennuyer où à le laisser filer. Non, mais l’oublier, quelques instants. Préférer me concentrer sur quelque chose en particulier, sans me soucier de l’heure qui tourne, et m’y consacrer à fond. Oublier les autres choses. Plutôt que de faire dix choses médiocrement, j’en fais une à fond, avec plaisir. Et curieusement, soudain, tout devient plus simple. Le stress disparait, on retrouve le plaisir de faire quelque chose de simple et, surprise, il nous reste du temps pour autre chose, que l’on commence alors, tout aussi simplement, en prenant le temps. Les exemples sont nombreux, je te laisse réfléchir à tous ces instants où l’on oublie les choses importantes en courant après des mirages. Les vrais bons moments, les instants passés avec ceux qu’on aime, ou, de simples moments, seul avec soi-même. Se retrouver.

Je crois vraiment que, désormais, je vais prendre le temps.


5 Comments

  1. Géraldine septembre 20, 2012 11:39  

    Le temps. Parfois on oublie qu’il est là. Et parfois, sans prévenir, son existence nous revient en pleine face, comme un boomerang.

    J’essaie de mettre en boîte le passé et les souvenirs dans des albums photos, des agendas.
    Et j’essaie de me prévoir plein de choses à vivre dans le futur, dans les journées et semaines à venir.
    Le plus difficile finalement est de vivre l’instant présent, de le saisir. D’en profiter pleinement.

    On aimerait tant que du temps nous soit accordé en bonus pour profiter des personnes qui ne sont plus.

    Bon j’arrête d’y penser, l’angoisse est de nouveau là. Le temps passe trop vite. Le futur devient trop vite présent, et le présent devient trop vite passé.

    Tout ça pour dire que je trouve (objectivement) que ce billet est très juste et, (subjectivement) qu’il me touche…

  2. Luc septembre 20, 2012 1:02  

    Sperme de loutre.

  3. Nicolas NiWard septembre 20, 2012 1:45  

    Raisons secs.

  4. Exclu En Diamand septembre 20, 2012 1:59  

    Vernis à ongle pour homme.

  5. Arnaud octobre 22, 2012 6:33  

    ET LES VID2OS DE CALIKEN ????????

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