Bientôt la fin d’année et son cocktail de nouvelles résolutions, à suivre, ou pas. Moi, je n’en aurai aucune ! Je souhaite juste continuer ce petit bout de chemin que je viens de tracer depuis trois mois. Voilà en effet trois mois que j’ai changé de boulot, et que je peux en parler désormais en connaissance de cause. Et un des aspects qui prouve que les choses vont vraiment bien pour moi, c’est que je n’ai pas envie de dire quoique ce soit ou de me perdre dans des descriptions inutiles. J’aime mon nouveau boulot, j’y suis bien, je me sens utile, j’ai déjà de bons retours, et je suis mille fois plus présents pour mes enfants. Au final, je me sens apaisé et calme, et c’est le principal.
Du coup, j’ai retrouvé ce brouillon d’article que j’avais écris, dans mes derniers jours de travail en médiathèque, quand j’étais pas loin du point de rupture. J’avais presque terminé le billet, donc je vous laisse le lire. Aujourd’hui, je me sens moins loquace et plus heureux, et honnêtement, je suis content pour moi, parce que je le mérite.
Bonne lecture les copains.
A long time ago in a library far, far away….
Il est 16h51. Je prends quelques instants pour me poser derrière mon ordinateur, mais le mal de crâne empire. Le bruit ambiant, non-stop, et la luminosité de l’écran unissent leur énergie pour me faire vriller. Les oreilles qui bourdonnent d’un côté, alimenté par les cris stridents des enfants et de deux ados autistes, et l’impression d’avoir mal derrière les yeux.
J’ai les mains poisseuses d’avoir rangé plein de livres poussiéreux et gluants, car manipulés par des centaines de personnes et ayant un peu subi la pluie. Je pourrais repenser aux bons moments, mais là, maintenant, le souvenir qui me revient en tête, c’est cette femme, qui me regarde d’un air hautain. « J’aurais du faire votre métier, ça a l’air sympa de lire toute la journée ».
Deux enfants me sourient en passant, et balaient d’un coup l’énervement qui point. Aimer et détester son travail, voilà ce qu’est devenu mon boulot de médiathécaire.
Calme et agitation
D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu la vocation de ce métier. J’ai trouvé un poste par hasard, après mon Master de Lettres Modernes, et hop, je me suis retrouvé, avec pas mal de chance, dans la Fonction Publique Territoriale. La sécurité de l’emploi, le plaisir de travailler dans un environnement calme : mes premières années en bib ont été douces, voire même un peu ronronnantes. Je suis ensuite passé à des médiathèques bien plus actives, avec beaucoup de fréquentation, et une politique plus axée sur le divertissement que le livre en lui-même. À l’époque, j’en rêvais. Je militais pour le jeu vidéo en médiathèque, pour la musique, les concerts, les animations diverses, les jeux de société et autres déguisements. Après 15 ans d’expérience, et à l’aube d’un changement de voie, en faisant le bilan, je me contredirais presque.
La problématique qui apparait en gras, c’est de savoir si les médiathèques doivent apporter aux usagers ce qu’ils recherchent, ou bien si elles doivent les guider vers autre chose. Comme souvent, je pense que la réponse est à mi-chemin entre les deux. Si on décide trop et qu’on se dirige vers de l’élitisme, on perd trop de gens en route. De l’autre côté, si on donne uniquement aux gens ce qu’ils veulent, autant installer une télévision qui diffuse C8 avec Hanouna.
Faire découvrir en intéressant… Voilà un dilemme complexe, et pas forcément facile à mettre en œuvre. Je dois avouer que j’ai peut-être baissé les bras. Et peut-être que je regrette l’ambiance calme et studieuse des bibliothèques universitaires, ou celles des petites villes.
Peut-être que je suis las de chercher un sens à mon travail, à devoir faire l’animateur et le show, le maître d’école et la police alors que j’ai déjà du mal à conseiller des bouquins. Bref, je me suis de plus en plus perdu.
Je ne blâme pas le virage pris par les médiathèques, car elles comblent une absence évidente de proposition culturelle dans beaucoup de ville. Les regroupements d’ados, les demandes récurrentes du public le prouve. Mais elles ne peuvent pas tout faire. La surenchère des propositions et cette énergie débordante donnent des créatures hybrides, fusions de centre de loisir, de fablab (clique ici pour savoir ce que c’est), de ludothèque et de salle de spectacle.
Les épaules, bordel, les épaules
La fracture numérique, les inégalités sociales et culturelles, les problématiques de santé, l’hygiène, la folie mentale, la foule, le sens de son travail, les enjeux financiers, c’est trop pour moi les amis. J’ai déjà du mal à gérer mes émotions avec ma propre vie de famille et je stresse pour savoir ce que je vais faire à manger à mes loulous le soir, tu comprends bien que c’est de plus en plus dur de devoir gérer émotionnellement certaines choses. Les gens sont trop nombreux, trop différents, et je commence à étouffer à voir toutes ces personnes dans les transports, puis dans les médiathèques. Toutes avec leur histoire, leurs problématiques, leurs envies. J’ai l’impression que quelque chose déborde en moi, je n’arrive plus à le gérer, ou du moins, c’est épuisant, et j’ai besoin de calme. De calme et de sérénité.
Une petite fille m’interrompt et me demande si elle peut emprunter un DVD…
Voilà les gens. Le brouillon s’arrête là. On sentait l’épuisement non ? J’ai hésité à partager ça, parce que j’ai tout de même énormément de bons souvenirs en médiathèque, et ce sont vraiment les derniers mois, voire années, qui m’ont fait vriller, mais toujours est-il qu’aujourd’hui, ça va beaucoup, beaucoup mieux. Mon travail a ses soucis, ses aspects négatifs, mais ils n’ont pas du tout le même impact sur moi, et je les accepte avec beaucoup plus de recul et de calme. Alors voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Je ne peux que vous conseiller de prendre soin de vous et, si c’est possible, de vous diriger vers les choses qui vous correspondent et vous apaisent. Pas toujours facile à faire et à analyser, mais tellement salvateur. Bonnes fêtes de fin d’année !