Travaux d’été RER A : Poudre aux yeux et yeux qui pleurent.

Si tu es toi aussi un habitué de la Région Parisienne et de ses transports, tu es certainement passé devant les immenses panneaux d’informations concernant les travaux d’été du RER A. Je vais te dire pourquoi c’est une escroquerie. 

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Les travaux en question

Sur plusieurs années, chaque été de fin Juillet à fin Août, la ligne de RER A est fermée sur quasiment toute sa partie parisienne. Cette année, c’est entre la Défense, et Nation. D’énormes travaux sont en cours, nécessaire au maintien de cette ligne, une de plus utilisées au monde.

Je vais utiliser un terme à la mode dans la sphère parisiannoboboïsante, attention : ces travaux sont effectivement très IMPACTANTS sur la vie des usagers du RER A, intramuros. Et je précise bien intramuros, ma petite Jocelyne, tu vas vite comprendre pourquoi.

Modérons toutefois l’impact desdits travaux : ils sont faits sur les mois des grandes vacances scolaires, avec forcément moins de voyageurs et plusieurs dispositifs sont mis en places pour fluidifier le tout, dont trois, qui me paraissent principaux :

Une augmentation de la fréquence de la déjà très dynamique ligne 1, avec des métros automatiques toutes les quasi 30 secondes. (Pour info, la ligne 1 reprend quasiment tout le trajet de la A, de la Défense à Nation).

Un système de bus complète, en plus, sur les horaires d’affluence la ligne A de la Défense à Charles de Gaule Étoile.

D’autres transports habituels restent à la disposition des usagers (tramway, bus, trains, etc.) et permettent de se sortir de toute situation.

Bien sûr, cela IMPACTE légèrement le temps de trajet, de 10 à 30 minutes, mais celui-ci reste réalisable.

Communication

Une com’ d’enfer est faite sur ces travaux. Tracts distribués en gare, énorme panneaux partout, et, si vous tapez « travaux RER A » sur Google, pas besoin de spécifier qu’il s’agit de ceux d’été, car on ne parle que d’eux.

Pourtant.

Pourtant…

LA VÉRITÉ EST AILLEURS

La vérité, c’est que ces travaux d’été, ne concernant principalement que les Parisiens, sont plutôt bien organisés. Je ne nie pas leur IMPACT, mais ils ne sont que la face cachée de l’iceberg.

Je vais (tenter de) faire cours et vous exposer des informations dont vous avez certainement moins entendu parler.

La réalité

Voilà un sujet sur lequel le STIFF/la RATP /la SNCF communiquent beaucoup moins. Et pourtant. D’autres travaux qui :

-Durent depuis maintenant 10 ans.
-Sont sur une fréquence d’un jour sur trois. Oui, je dis bien, un jour sur trois dans l’année, il suffit de calculer sur 2017 ou 2018 pour s’en rendre compte.
-Paralyse TOTALEMENT le trajet en proposant uniquement des bus de remplacement (j’y reviendrai) qui allongent le temps de parcours de, au minimum, tiens toi bien Denis, 60 minutes de temps de trajet en plus.

Ces travaux concernent en grande partie la branche Cergy et la branche Poissy, ce qui touche une énorme partie de voyageurs. Ils ne concernent pas la population Parisienne, ni l’autre branche Ouest du RER, à savoir Saint Germain en Laye. Cela n’a bien sûr absolument rien à voir avec le salaire moyen par habitant.

Ces travaux sont de deux types. Je vais vous les résumer rapidement.

TRAVAUX DU SOIR

En soirée

 

Je vais être simple : depuis 2009, un soir sur trois dans l’année (c’est énorme, et ça peut parfois s’étaler sur deux mois sans aucune interruption, sauf les week-end), je n’ai pas de RER pour rentrer chez moi.

Techniquement, un service de bus est mis en place à la station d’avant. On pourrait se dire que tout va bien, et se demander où est le souci. Voici quelques détails :

-On passe de 5 minutes pour faire Maison-Laffite / Achères, par exemple, à 20 minutes de bus. Et c’est, bien entendu, exponentiel plus on s’éloigne. Pour Conflans, Neuville et Cergy, il faut rajouter encore plus de temps. Maison Laffite – Cergy le Haut, en RER 20 minutes, en bus, pas loin d’une heure !!!

Lorsque le RER arrive, le bus n’est pas là, ou vient de partir. Oui, le bus qui est là UNIQUEMENT pour remplacer le RER en travaux n’est pas calé sur les horaires de passage du RER.

-Les bus en question ne sont pas forcément en nombre. Un bus ne contient pas autant de personne qu’un RER, même le soir. Du coup, quand tous les passagers d’un RER s’entasse dans un ou même dex bus…oups.

Les chauffeurs sont des pilotes de formule 1 (il y a déjà eu des accidents), et ne connaissent pas toujours la route qu’ils doivent emprunter. Nombre de fois, les usagers ont du les guider pour les emmener au bon endroit. Les erreurs de trajet qu’ils font rajoutent bien entendu de nombreuses minutes de transport en plus.

-Si tu te déplaces en vélo (accepté dans le RER et bien pratique pour rejoindre les villes de banlieue un peu éloignées et mal desservies) tu ne peux pas rentrer dans le bus. Si tu es à mobilité réduite, tu ne peux pas rentrer dans le bus.

Exemple classique : Monsieur et Madame CaliKen dînent sur Paris avec des amis vers Auber. En temps normal, ils prennent le RER de 0h00, ils arrivent chez eux à 0h30. Rapide, efficace. En temps de travaux du soir : Ils prennent le RER de 0h00 (sauf si les travaux les obligent à prendre un train à Saint Lazare, et là, pour les horaires, c’est bien plus aléatoire) et arrivent chez eux vers 1h30.

Et ça, c’est JUSTE le premier effet kiss-kool. 

TRAVAUX DU WEEK-END

Les travaux du week-end sont plus rares, mais plus costauds (si, c’est possible), puisqu’ils s’étalent sur TOUTE la journée. Bien sûr, ils partent du principe que personne ne travaille le samedi et le dimanche. Là, il n’est donc plus question d’annuler une soirée entre ami, mais de trouver un moyen d’aller au taff. Tout simplement.

Le principe reste le même : système de bus sans horaire fixe. J’habite au-dessus d’une gare de bus, et j’ai pu observer qu’il n’y a absolument aucun horaire fixe, même les pauvres agents déployés pour l’occasion demandent au chauffeur de bus dans quelle direction il va et ne savent pas quand il va arriver. Et bien sûr, au moment de la transition Bus/RER, rien n’est coordonné.

Là, on peut avoir jusqu’à 1h30 de trajet en plus, et on doit se débrouiller par nos propres moyens. N’oublions pas, cependant, que la RATP et la SNCF encouragent le covoiturage dans ce genre de cas. Très écologique tout ça.

Cachez ces pauvres

Etant une grande gueule des réseaux sociaux en ce qui concerne mes déboires dans les transports, j’ai été contacté, il y a deux ans, par deux journalistes par rapport à ces fameux travaux. L’entretien a vite tourné court puisque je ne disais pas ce qu’ils voulaient entendre, ce qui est la base du journalisme moderne. 

(extrait à peine caricaturé…)

« Les travaux d’été sont-ils IMPACTANTS pour vous ? »

Très légèrement, je prends mes dispositions (15-20 minutes de rab sur mon trajet habituel) mais je peux arriver à destination sans encombre. Je pensais qu’on allait parler des travaux du soir et du week-end.

« De quoi ? »

Ceux qui durent depuis super longtemps et qui empêchent plein de gens de sortir le soir ou carrément le week-end.

« Mais c’est super intéressant, j’avais pas entendu parler de ça, c’est où, quand ? »

Oh bah presque tous les soirs, sur la branche Cergy-Poissy et…

« Ah mais on s’en fou non ? Moi je vous parle des travaux sur Paris, le cœur du réseau, la capitale de la France, des millions de voyageurs IMPACTÉS « 

Oui, mais ils peuvent prendre le métro et l’été y a moins de …

« DES MILLIONS DE VOYAGEURS IMPACTÉS MONSIEUR ! »

Pas de morale

Si on devait trouver une morale à cette histoire, je serais bien emmerdé en fait. Déjà, parce que ça fait dix ans que, faute d’habiter Paname, pour des raisons financières, je me suis éloigné de mes amis, de soirées sympas, et de moment cools dans une ville que je continue, malgré tout, d’aimer.
Ce qui me fait mal aussi, c’est de voir le peu de considération médiatique pour une population qui a moins de pouvoir qu’une autre. Oui, prendre le premier RER, ou le dernier, c’est rencontrer les gens qui vont bosser à 5h00 du matin, ou qui travaillent de nuit, et/ou le week-end. La France qui se lève tôt, n’en déplaise aux racistes de tout poil, est de toutes les couleurs. Des gens issus au mieux de la classe populaire, de plein d’origines différentes, et qui galèrent forcément de ouf. Des gens qui n’ont peut-être pas non plus l’habitude ou le temps de se plaindre et qui s’adaptent comme ils le peuvent. Des gens qui se taisent et donc, forcément moins IMPACTANTS.

Au final, moi aussi je suis un privilégié, parce que même si je taff le samedi et certains dimanches, je peux toujours, au pire, prendre ma voiture et me débrouiller avec Madame et le bébé. Parce que j’ai pris l’habitude de slalomer avec les transports et qu’une soirée entre amis, ça se décale.

Mais ce que je déteste par dessus tout, c’est l’inégalité. Et quand je vois le battage médiatique extrêmement bien maîtrisé pour ces travaux d’été, comparé à la quasi inexistence des travaux « habituels », je ne peux pas m’empêcher d’avoir mal au cul.