Teulé, salaud !
Une fois de plus, on te surprend à vendre le torchon qui t’a servi à nettoyer l’Histoire dans ces recoins les plus poussiéreux, gras et immondes. Une fois de plus, tu reprends, à ta sauce -mais quelle sauce !-, une réalité historique nauséabonde, que tu agrémentes d’un parfum bien plus hideux.
Comment romancer l’histoire d’Alain de Monéys, jeune homme qui, par un terrible quiproquo, terminera lynché, torturé, énucléé, brûlé vif puis mangé, tout en lui gardant un aspect historique et réaliste totalement insoutenable ? Et bien, pour répondre à cette question, il suffit de te lire !
« J’vous ai bien eu, bande de cons »
Car ta maîtrise du verbe, ta sublime imitation du parlé de l’époque, 1870, dans un village périgourdin, ton sens du rythme, de l’humour et du récit, font que ce torchon est admirable. Certes, le cœur du lecteur devra être bien attaché, de même que son estomac, pour ne pas défaillir face au supplice enduré par le personnage principal. Mais, ton style arrive à faire passer la pilule, aussi énorme et immonde soit-elle. Certes, la réalité est arrangée, certains faits ajoutés ou modifiés… mais cela reste un roman.
Un roman nauséeux, mais bien écrit. Une orgie du 19ème siècle ayant réellement eu lieu et pour laquelle, « seulement » 4 des nombreux bourreaux furent punis par la guillotine. Une métaphore assurément biblique où le jeune Alain de Monéys, Christ d’un jour, suivra le pire chemin de croix imaginable. Pardonnant ses bourreaux, dans une attitude quasi sainte, il finira même par être mangé, hostie humaine, nouveau Jésus grillé comme un porc, dévoré par des villageois devenus fous, allant jusqu’à tartiner sur du pain sa graisse encore chaude. Reprenons cette citation, quasi biblique, s’inspirant grandement d’une parole de Jésus, à Dieu : il s’agit ici d’un dialogue entre un des protecteurs d’Alain, et Alain, le supplicié encore vivant.
« -Oh, Alain, tiens bon ! On va te tirer de là.
-C’est toi, Pierre ? …
-Oui, c’est moi. Ce sont des monstres. Ils méritent le bagne.
-Ils ne savent pas ce qu’ils font… »
D’autres comparaisons, bien plus actuelles cette fois, flirtent presque avec la mode du zombi, car, outre le cannibalisme assumé, il est bien difficile de voir en ces villageois devenus violents et d’une stupidité déconcertante, l’ombre d’un humain.
Voilà, pourquoi, Teulé, je te traite de salaud. D’une part, parce que tu reprends, pour ton compte, le pire de l’humain, de sa bêtise, de sa monstruosité, et de cette crasse qui suinte même dans les pages de ton torchon. D’autre part, parce que tu en fais un livre subtilement écrit, au travail littéraire soigné et dont le lecteur, s’il est suffisamment résistant psychologiquement, ne fera qu’une bouchée.
Cet homme avait l’air appétissant non ?