D’un air absent, Arthur regarde ses quelques liasses de dollars en les faisant rebondir dans sa main. Le calme habituel qui arbore son visage est en totale contradiction avec les protestations de l’individu qui geint à travers les barreaux derrière lesquels il l’a placé quelques minutes plus tôt. Après tout, quelques billets permettent d’occulter rapidement ce qui nous entoure. Et tant pis si Arthur mérite tout autant d’être en prison que l’inconnu qu’il vient d’y mettre, l’heure n’est pas à la réflexion. L’époque non plus. En fait, Arthur lui-même n’est pas vraiment homme à réfléchir. Du moins, c’est ce qu’il revendique. Le petit carnet qui gît au fond de sa sacoche, arborant croquis et journal intime pourrait témoigner du contraire. En attendant, le principal, c’est d’avoir un peu de dollars à dépenser et à partager avec les autres personnes de la bande. Le shérif a donné une mission simple, elle est correctement récompensée, l’histoire se termine ici. Il est temps de rentrer au camp et de partager le pactole même si quelques dépenses personnelles sont à faire immédiatement.
Arthur sort du bureau du Shérif, appelle son cheval d’un claquement de langue, grimpe dessus et se dirige, au pas, vers l’écurie, à 200 mètres de là.
I’m a poor lonesome cowboy
Cette journée commence bien. Une nuit à traquer cette personne recherchée. Une mission plutôt facile. Il est grand temps de pomponner notre monture et de lui changer sa selle. Quelques minutes plus tard, notre beau Pure-Sang Hongrois est brossé et repart avec une toute nouvelle selle, bien plus confortable pour lui comme pour Arthur. Allez, un petit tour dans la ville. Flânons quelques instants dans les boutiques avant de repartir au campement, pour un repos bien mérité. Arthur ferme les yeux avec un petit soupire d’aise : le soleil se lève et tape sur les habitations de Valentine, leur donnant des couleurs agréables et réchauffant déjà l’air. Ménageant sa monture, Arthur trottine en direction de l’armurier, pour, pourquoi pas, s’acheter un nouveau colt. Il regarde autour de lui, passe devant le saloon et…
-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH
Un homme jaillit d’une des fenêtres, dans une gerbe de verre et de bois. Il retombe lourdement au sol, la boue de l’allée principal amortissant quelque peu sa chute. A peine s’est-il relevé qu’un autre homme sort du saloon, par la porte cette fois. L’odeur de whisky qui flotte dans l’air suffit à résumer la scène. Une fin de soirée alcoolisée, une dernière bagarre, rien d’anormal. Le type se relève difficilement, plus à cause du whisky qui coule dans ses veines que de la chute, et fonce sur l’autre. La bagarre reprend. Arthur est de bonne humeur et cette ombre au tableau le chagrine. Il descend de son cheval pour apaiser la situation. Dans quelques minutes, il s’en mordra les doigts.
La loi de Murphy
Celle de l’emmerdement maximum. Celle de la loi des séries. Elle commence ainsi, par une belle journée où tout bascule, parce qu’un brigand veut jouer aux grands seigneurs. Parce qu’un abruti comme Arthur Morgan veut arrêter une bagarre, lui qui, quelques minutes plus tôt, parcourait les plaines avec un type inconnu sur le dos de son cheval, pour gagner un peu de fric en le rendant à un shérif douteux.
-Calmez-vous les gars !
-On t’a pas sonné !
Voilà que l’un des types qui a gagné la bagarre (celle-ci n’a pas duré longtemps) s’en prend à Arthur et tente de lui décocher une droite. Plutôt facile d’éviter un crochet d’ivrogne, mais plus périlleux de tenter de le raisonner et de l’arrêter. Il continu, le bougre, à frapper, et il frappe plutôt bien. Un des coups atteint la tête d’Arthur et fait tomber son chapeau. Il le ramasse mais l’autre continu, et le pousse dans la boue. Être tout crotté, ce n’est pas un truc qu’Arthur Morgan apprécie vraiment. Il se relève. Son regard a changé. Ses yeux bleus qui, tout à l’heure, scrutaient le ciel avec placidité, sont maintenant posés froidement sur ceux de son assaillant. Il lui règle son compte en trois coups bien placés. Les deux types sont maintenant au sol. Morts ou groggys, pas le temps de se poser la question. Les bons vieux réflexes reviennent au galop : si la population n’a pas bronché face à cette bagarre de rue, elle est beaucoup moins encline à voir un inconnu fouiller les poches de deux types au sol. Arthur se rend compte de son erreur trop tard. Un bagarreur, ça passe, un voleur, beaucoup moins. Les gens commencent à se regrouper autour de lui, et les autorités arrivent. Pas le temps de réfléchir. Vite, grimper sur son cheval et partir au loin.
Trop tard, une prime est mise sur sa tête. Pas grand chose, une trentaine de dollars, mais déjà beaucoup trop pour un type comme lui. Voici l’arroseur arrosé. Lui qui venait de placer un type en cellule, il risque d’y aller également, et ça, il n’en a pas vraiment envie.
La rançon du succès
Très vite, Valentine n’est plus qu’un point à l’horizon. Ce canasson est une vraie fusée et Arthur ne regrette pas de l’avoir payé un prix d’or il y a quelques semaines. D’un geste bougon, il essuie la poussière et la boue qui recouvre son manteau. Son cheval a arrêté sa course folle, plus personne ne le poursuit. Tant pis pour le repos au camps. Il est encore temps de sauver cette journée qui commençait si bien. Arthur sait qu’à quelques dizaines de kilomètres d’ici, il y a une poste d’où il pourra payer la rançon de sa prime. C’est pas mal d’argent, mais il y a aussi un trappeur dans les environs. Avec un peu de chance, il croisera le chemin d’un animal et pourra revendre à bon prix sa peau et le reste.
Allez, on ne se démonte pas et on file au loin pour reprendre les rennes de cette journée qui s’annonçait si bonne. Comme prévue, sur le chemin, Arthur trouve une belle antilope. Le cowboy est rodé à ce genre d’exercice. Il n’a pas même besoin de descendre de son cheval. Il bande son arc, ajuste l’animal et la flèche part se loger directement dans sa nuque. L’antilope tombe au sol, morte sur le coup. Arthur est heureux de ne pas avoir à lui donner de coup de grâce. En quelques coups de couteau, il la dépèce, mets sa peau sur la croupe de son cheval, et le reste de l’animal écorché, par dessus. Couvert de sang, de boue et de poussière, il ne lui reste plus qu’à trouver le trappeur, lui vendre le fruit de sa chasse, payer sa rançon et rentrer au camp.
En remontant sur son cheval, Arthur observe son arc. Il est de simple facture, mais est très efficace. Il n’en demande pas moins. Tout comme l’homme qui a levé les mains, apeuré, face à lui, croyant qu’Arthur le braquait alors qu’il bandait juste son arc, en l’observant.
-Non, non ! Je ne fais que re…
Trop tard, le type a pris peur. Trop absorbé par ses pensées, Arthur ne l’a pas vu ni entendu arriver. Le gars est terrifié, mais il y a de quoi. En face de lui, un homme, l’air patibulaire, recouvert de sang et de boue, le vise avec son arc. Dans un ultime sursaut de défense, il sort maladroitement son revolver. Arthur ne réfléchit pas. Il sait pertinemment que ceux qui réfléchissent sont ceux qui vivent le monis longtemps, surtout dans ce genre de situation. Il laisse tomber son arc, dégaine en un quart de seconde et descend le type qui tombe au sol, tente de se relever, pendant que son cheval part au loin. Arthur descend à son tour de cheval et l’achève d’une balle dans la tête.
Ce n’est pas fini
-Mais bordel !
Arthur s’empresse de cacher le corps, non sans lui faire les poches. Le cri qu’il entend derrière-lui le fait sursauter. Un autre cavalier, qui passait par là, l’a vu en train de cacher le cadavre. La poisse. Le type a l’air zélé et fait demi-tour avec son cheval en clamant qu’il va prévenir les autorités. La balle qui lui traverse la poitrine l’empêche d’aller plus loin. Pas la peine de rajouter une centaine de dollars sur l’addition à payer…
Arthur se retrouve à cacher deux corps au lieu d’un. Le voilà, marmonnant dans sa barbe, en train d’enfourcher une énième fois son destrier. Après plusieurs minutes, il arrive devant le trappeur à qui il revend sa chasse pour une bouchée de pain, bien moins qu’il ne pensait gagner. Son cheval semble lui aussi dégoûté par tout ce gâchi. Il décide de le laisser là, après tout, il connait le chemin du campement, il l’y retrouvera. Arthur avance mollement jusqu’à la station de train, à quelques centaines de mètres de la petite colline où se situe le trappeur. Dégoûté de la tournure des événements, il glisse dans l’enveloppe la liasse de billet au guichet. Tuer des gens et des animaux, ce n’est pas son plus grand plaisir, loin de là.
Le sifflement du train le sort de ses réflexions. Alors que le train s’arrête en gare, il décide d’y monter, oubliant de prendre un billet. Un peu trop près du mécanicien de la locomotive, ce dernier l’aperçoit, alors même que le train redémarre. Très vite, la discussion s’envenime, et avant-même qu’il n’ait compris quoique ce soit, voilà que les forces de sécurité du wagon commencent à lui tirer dessus ! Arthur tente de sauter du train, déjà à bonne vitesse, quasi sûr d’y laisser sa vie.
C’est sans compter son fidèle destrier qui, rejoignant le campement, a aperçu son cavalier en danger, et suit le train au galop. Arthur ne tergiverse pas et saute dessus d’un mouvement habile, s’éloignant des coups de feu et de ce maudit convoi.
Le campement est à quelques minutes, il va enfin pouvoir se reposer de cette matinée d’enfer.
Red Dead Redemption
Voilà les amigos. Je ne voyais pas l’intérêt de vous donner les points forts et les points faibles du dernier jeu de Rockstar. D’autres sites le font bien mieux que moi. Je ne peux que vous dire que ce jeu est une véritable expérience, et qu’il est en train de me happer de la même manière que Zelda Breath of the Wild l’année dernière. Immense, sublime, pas parfait, mais indubitablement vivant. Seule une (courte) expérience de jeu (je n’ai rien inventée) pouvait retranscrire l’ambiance qui s’échappe de ce titre, déjà culte, en ce qui me concerne.