Chapitre 14

Jadielle est une belle ville. J’aime me promener dans son centre et profiter de son animation. Les rues piétonnes grouillent de passants, et leurs commentaires se mêlent aux exclamations des vendeurs du marché d’aujourd’hui. Plutôt festive, Jadielle regorge de coins touristiques, de petites boutiques et d’échoppes itinérantes vendant des souvenirs et de la restauration sur le pouce. Il flotte dans l’air une odeur de chichis, de barbe à papa et d’autres sucreries estivales. J’ai l’impression d’être en vacances ! Mes amis ne sont pas disponibles, alors je flâne tranquillement dans les ruelles animées. Mon attention se porte cependant sur quelques policiers étrangement regroupés dans certains endroits, et apparemment stressés. D’un naturel curieux, je ne peux m’empêcher d’aller en accoster un, assez jeune et plutôt mignon. Les cheveux courts et dressés en une petite houppette devant, je me demande si, de par ses manières, il ne préfère pas les garçons aux filles. Peu importe de toute façon, je ne suis pas ici pour draguer ! Il m’apprend finalement qu’un groupe d’individus a été aperçu dans le coin et que la police est en alerte.

-Des Rockets ?
-… Nous n’avons pas vraiment l’autorisation de dire que c’est eux, mais c’est sûr à 100%.
-Pas l’autorisation ?
-C’est une mafia vous savez, il y a encore quelques années, ils étaient implantés profondément à Jadielle, et même dans le monde entier.
-Mais qu’est-ce qui vous fait croire qu’ils sont dans le coin ?
-Ils auraient fait une sorte de casse dans une bijouterie, sans aucun blessé, avec peu de monde. Tout porte à croire qu’il s’agirait plutôt d’imitateurs.

Je le regarde, intriguée. Il doit se dire, tout à coup, qu’il explique beaucoup trop de choses à une simple passante.

-Enfin bref, j’espère vous avoir suffisamment renseignée mademoiselle.
-Tant que vous êtes là pour sécuriser le coin, cela rassure, fait-je avec un sourire que j’essaie charmeur.
-O..Oui bien sûr !

En m’éloignant, je le vois légèrement rougir. Peut-être hétéro finalement ! Je me mets à rire toute seule. Bon, trêve de plaisanteries, je me rapproche de l’endroit que je veux absolument voir. Eloigné du centre piéton de Jadielle, l’immense stade trône au milieu d’une vaste place, cerclée d’immeubles imposants, eux aussi, mais ridicules face à la grandeur de l’édifice. Compétitions de football, d’athlétismes et autres sports s’y succèdent régulièrement, chaque année. Mais c’est évidemment les combats Pokémon qui prédominent et qui accaparent le stade le plus régulièrement. Dans une semaine, il y aura une grande compétition à laquelle je participe. Elle n’accepte que les possesseurs d’au moins 8 badges de Kanto, et la liste n’est pas si longue que ça. Je me suis inscrite lors de ma seconde visite du studio, lorsque j’ai décidé de le prendre, et mon sang de dresseuse bat dans mes veines. Je sens que la compétition va être rude, mais je suis sûr de pouvoir aller loin, voire même de gagner. En témoigne cette jeune dresseuse prétentieuse qui enchaîne les victoires sur les petits terrains jouxtant le stade. Mon Dracafeu a tôt fait de lui clouer le bec à lui seul. Mes autres Pokémons sont surexcités dans leurs Pokéballs, alors je décide d’enchaîner les combats. Parlons un peu de mes petits amours ! J’ai la chance d’avoir une équipe complète, sur-entraînée et très polyvalente. Il y a bien sûr Dracafeu, mais aussi Ptéra, un Pokémon volant féroce en combat mais finalement très câlin, et aussi extrêmement rare, puisque c’est une espèce aujourd’hui éteinte qu’on ne peut que réanimer à partir de fossiles. Dans la catégorie des Pokémons trognons, j’ai Evoli, mon petit Pokémon docile mais très à l’écoute lors des affrontements. Son poil est très soyeux et il m’arrive parfois de le câliner lorsque je cherche à m’endormir, le soir. Il n’est pas très friand des dodos en dehors de sa Pokéball, mais il accepte volontiers un câlin et rentre à nouveau dans sa maison ovale dès que je me suis endormie : un amour. Débugant est mon Pokémon combat le plus nerveux et le plus agréable à voir se battre. Rapide et agile, je l’ai vu défaire des ennemis parfois jusqu’à 10 fois plus lourds que lui ! Il s’entraîne jour et nuit et espère plus que tout évoluer prochainement. C’est tout le mal que je lui souhaite, mais encore faut-il savoir en quoi, étant donné que cette espèce a plusieurs choix d’évolution possibles ! Electek est  mon cinquième Pokémon. Electrique, mais plutôt calme, je l’entraîne régulièrement à manipuler avec précision sa puissante énergie électrique. Il peut créer des éclairs et des décharges à faire reculer les Pokémon les plus féroces. Mon dernier Pokémon est Insécateur. C’est difficile à dire, surtout pour moi, mais je pense qu’Insécateur est un peu amoureux de moi. Tous mes Pokémons m’apprécient beaucoup, mais lui, je sais qu’il irait me chercher la lune s’il le pouvait. Je l’ai vu parfois renverser des situations invraisemblables en allant chercher au fond de lui même des ressources inconnues. Je vois souvent son museau vert rougir les rares fois où il me voit sortir en petite tenue de la salle de bain, par exemple. Les spécialistes Pokémon expliquent que ce phénomène arrive parfois, et qu’il ne faut pas s’en inquiéter. J’aimerais cependant qu’Insécateur trouve un jour un Pokémon à aimer et qu’il se détache un peu de moi, en ce qui concerne les sentiments ! Tout comme ses cinq autres congénères, il était très attristé de voir mes déboires sentimentaux et les problèmes de santé de ma mère, et il était le premier a être à mes côtés lorsque ça n’allait pas. Les Pokémons sont aussi là pour ça, pour nous aider en cas de coup dur, comme de véritables amis. Ma façon de les remercier, outre m’occuper d’eux de mon mieux, c’est de les entraîner à fond et de les faire concourir dans ce genre de grosse compétition Pokémon.

Les matchs s’enchaînent, les victoires aussi. A bien y réfléchir, cela fait très longtemps que je n’ai pas perdu un combat Pokémon. Je crois que c’était mon ex qui m’avait infligé ma dernière défaite, mais je préfère gommer ce souvenir immédiatement de ma mémoire. Après quelques combats faciles, je me retrouve enfin devant un challenge à mon goût. La fille devant moi est une amie, dresseuse. Elle vient souvent ici et c’est avec plaisir que je lui dis bonjour et que le combat commence.

-Alors Justine, toujours aussi contente de ton dernier échange ?
-Oui ! Ce Cotovol est une merveille. D’ailleurs…
-Ok…
-Cotovol, allez, attaque Spore  Coton!
-Electeck, protège toi avec ton électricité !
-Cotovol allez !

Le combat dure plus longtemps que les précédents, et je ressens enfin l’excitation que tout dresseur a lors d’un affrontement de qualité. Malheureusement pour Justine, je reste un cran au dessus, et elle finit par s’incliner, non sans nous avoir fait, mes Pokémons et moi, bien transpirer. Le soleil décline à l’horizon et, éreintées, nous décidons de nous assoir sur un banc, regardant dans un air lascif les jeunes dresseurs s’entraîner.

-Pfiou, quelle journée, et quelle combat, fait Justine.
-Je suis en nage ! Je rentre chez moi et hop, une bonne douche.
-Ah mais au fait, ça y est, t’es sur Jadielle ?
-Oui ! J’ai mon studio depuis aujourd’hui, la classe !
-Tu m’invites Poulette ?
-Oui, si tu arrêtes de m’appeler Poulette !
-C’est mignon comme surnom.
-Je vais t’appeler Poulette aussi tu vas voir !

Et c’est en nous chamaillant gentiment que nous nous dirigeons tranquillement vers le cœur de la ville et mon nouveau petit chez-moi.

-Et ta maman, me demande alors plus sérieusement Justine, tandis que nous bifurquons sur une énième petite rue piétonne.

Je pince mes lèvres mais ne met pas trop de temps à répondre. Je préfère être spontanée avec ce genre de chose, ça laisse justement moins de place à la douleur.

-Elle est bien suivie, mais son état ne s’améliore pas.
-Elle n’est pas triste que tu partes ?
-C’est elle qui m’a poussée à partir, au contraire. Elle déteste être dans cet état, mais elle déteste encore plus quand je la vois comme ça.
-Ça a l’air d’être une femme courageuse.
-Oh que oui.
-De toute façon, tu n’habites pas vraiment loin, tu pourras la voir régulièrement.
-J’y compte bien ! Mais je sais qu’elle aimerait bien que…
-Mon dieu Marie, ton immeuble !
-Qu’est-ce que… OH PUTAIN !

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