Le dernier jeu qui m’avait bien secoué était Beyond Two Souls. Il est étonnant de constater que ce sont finalement les histoires basées sur une forte dimension narrative qui arrivent à me happer. Beaucoup de narration, un univers envoûtant, des personnages touchants et un scénario qui tient la route : voilà ce qui fonctionne avec moi. C’est d’ailleurs la recette de ce petit joyau qu’est Life is Strange, le dernier jeu en date du studio français Dontnod. Un jeu qui, sans être parfait, m’a touché en plein cœur. Et oui.
Back in time
C’est marrant la vie parfois. J’étais parti pour faire une critique de Quantum Break, ma première expérience sur Xbox One. Un jeu qui parle de voyage dans le temps, de personne à sauver en retournant dans le passé, etc. Et bien c’est fou, mais Life is Strange propose également les mêmes dilemmes, mais sous un angle différent. Si un jour les journées passent à 48h, je ferai un beau dossier comparatif entre les deux jeux. Je m’y engage.
Dans Life is Strange, on incarne Max, une jeune étudiante de 18 ans qui fait ses premiers pas dans l’université de Blackwell, dans la petite ville d’Arcadia Bay, pour y vivre sa passion pour la photographie. Une ville où elle a passé toute sa jeunesse et qu’elle a quitté il y a quelques années, en y laissant ses souvenirs et ses amies. Retour dans le passé : implicitement, la métaphore temporelle est déjà là. Max retourne dans une ville où elle a vécue mais où les éléments lui semblent à la fois étrangers et familiers.
Petit air de guitare folk, ambiance automnale : Life is Strange est là
Début étrange
Dès le début du jeu, Max se retrouve au pied du phare de la ville, en pleine tempête, sans comprendre ce qui lui arrive. Un bateau, projeté par une énorme tornade, se fracasse sur le phare. Un pan de mur lui tombe dessus… Max se réveille en plein cours de fac… Un peu déstabilisée, tout comme le joueur, elle essaie de comprendre si elle a rêvé ou s’il s’agit d’autre chose, tout en faisant comme si de rien n’était devant ses camarades de classe et son professeur. On découvre peu à peu les commandes du jeu, le fait de pouvoir consulter son cahier intime, qui résume le parcours de Max, ses liens avec les autres personnages, les messages de son téléphone et les nombreuses photographies qu’elle prend. Le cours se termine, on découvre l’ambiance de l’université en arpentant les couloirs de Blackwell. Max a besoin de se passer un peu d’eau sur le visage pour reprendre ses esprits après son étrange rêve. Mais elle se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. En effet, elle assiste, cachée, à une rixe entre deux élèves. L’altercation s’envenime et l’un des étudiants prend une balle en plein ventre. Affolée, Max tend la main pour tenter d’arrêter le drame… Son premier voyage temporel commence : elle remonte le cours des évènements et se retrouve en début de cours, au même endroit où elle se trouvait quelques minutes auparavant. L’occasion de revivre le même cours et les mêmes évènements, tout en sachant que tout va se passer de la même façon… si l’on décide de ne pas intervenir, bien sûr.
Le joueur découvre ainsi le pouvoir de voyage temporel de Max… C’est le début de moults péripéties, mais aussi d’une approche originale du traitement du scénario dans un jeu vidéo. En effet, on donne au joueur la possibilité de tester différents choix, différentes réponses aux conversations, avant de retourner en arrière et d’essayer d’autres solutions. Un élément qui était possible, avant, lorsqu’on décidait de relancer le jeu, et de ne pas sauvegarder, sauf que là, cette astuce est « acceptée » par le jeu et, surtout, vécue par le personnage principale, qui apprend de ses éventuelles erreurs. Une idée géniale.
Chloé est toujours survoltée… Ici, elle braque sa meilleure amie « pour rigoler ».
Voyage dans le présent
Contrairement à d’autres œuvres traitant du voyage temporel, Life is Strange n’en complexifie pas le principe car il limite le joueur à un élément simple : Max ne peut revenir que dans le passé proche, sur quelques minutes seulement. Impossible donc de pouvoir revenir en 1998 pour danser I Will Survive sur les Champs Elysées. De fait, les « retours » de Max ne peuvent qu’influer les évènements récents, ce qui limite son champs d’action et ne la rend pas toute puissante. Ajoutons aussi que Max est rapidement prise de saignements de nez et de maux de tête en utilisant son pouvoir, ces limites permettant au scénario de gagner en intensité puisqu’on ne peut pas faire tout et n’importe quoi.
A force de jouer avec son pouvoir, Max a quelques soucis…
Oui mais l’histoire ?
C’est bien beau tout ça, mais à part avoir vu une tempête et un meurtre, quel est le fuck de tout ça ? En fait, le fil rouge de l’histoire, qui débute évidemment avec la découverte de ce pouvoir temporel, est l’inquiétante disparition d’une étudiante. Au fil de l’histoire, le jeu va se transformer en véritable polar de plus en plus sombre. Max va retrouver sa meilleure amie, Chloé, qu’elle n’avait pas vu depuis 5 ans et qu’elle avait laissé à Arcadia Bay. Grunge délurée aux cheveux bleus, ayant quitté l’école et accumulant les bêtises, Chloé est l’antithèse de la calme et tranquille Max. Pourtant, les deux amies se complètent bien. Elles vont peu à peu percer les mystères qui entourent l’académie de Blackwell et découvrir les différentes facettes du pouvoir de Max tout en enquêtant sur cette étrange disparition.
Beaucoup d’autres personnages attachants apparaissent au fil de l’aventure, et il me faudrait plus qu’un billet de blog pour les décrire. On notera le soin apporté par le studio Dontnod à l’élaboration de personnages au premier abord caricaturaux (le geek, le souffre douleur, la peste, la petite catho, le sportif décérébré, le skateur, etc.) mais qui s’avèrent, au fil du jeu, être bien plus complexes que prévu. En témoigne le personnage principal dont on découvre la profondeur en prenant le temps de lire le journal intime. Journal qui s’étoffe progressivement au fil de l’aventure et qui permet également de se rappeler de certains détails que l’on aurait pu oublier.
Les choix cruciaux sont nombreux et font réfléchir…
Et ils ont un impact sur toute la suite du jeu…
Ils modifient même les relations entre les personnages…
Bon… ils ne sont pas TOUS vitaux hein…
Un gameplay au service du scénario
Life is Strange ne brille pas par une action tonitruante, ni par des graphismes aboutis. On peut le dire, le jeu n’est pas top graphiquement, la synchronie labiale des personnage n’est pas terrible et, même sur les consoles de dernière génération, il n’est pas vraiment à la hauteur en terme technique. D’autre part, les actions sont simplistes, ce qui est, je l’accorde, inhérent au genre. Des déplacements lents, pas mal de conversations à choix multiples, des recherches d’objets dans chaque recoin et quelques interactions. Pas même l’ombre d’une quick time event ! L’intérêt réside en fait dans les choix que l’on fait, notre façon d’appréhender l’histoire et la qualité de notre observation. Tous ces éléments qui nous permettront de trouver les moindres détails et recoins, utiles pour découvrir le jeu sous toutes ces facettes. Le tout, servi admirablement par cette possibilité de retourner dans le passé afin de pouvoir influer au mieux sur l’aventure.
La lenteur du jeu est mise en place de façon réfléchie, afin d’inciter le joueur à prendre le temps de rentrer dans l’ambiance étrange d’Arcadia Bay, et d’observer tout autour de lui afin de grappiller le moindre indice.
Observer, utiliser, réfléchir…
Votre meilleure amie va se faire écraser par un train. Remontez-vous le temps ?
Oui, oui et encore oui
C’est donc plus scénaristiquement que techniquement que Life is Strange sort son épingle du jeu. Plusieurs rebondissements, une histoire pas vraiment cousue de fil blanc et des personnages attachants font de ce jeu un univers dans lequel le joueur prend plaisir à plonger. Les musiques, calmes et acoustiques, pour la plupart, rajoutent à cette ambiance d’automne, associée à des lumières rasantes et un jeu de cadrage vraiment réussi. On pourra pester contre le jeu parfois un peu caricatural de certains doubleurs, faisant flirter Life in Strange avec un, presque, mauvais mélodrame. Les personnages m’ont plu, mais, étrangement, je n’ai pleuré à aucun moment, et pourtant, tu sais que j’ai la larmichette facile, petit lecteur.
Si l’on passe ces quelques écueils, Life is Strange est un jeu à découvrir. Envoûtant, plaisant à jouer et apportant une réelle nouveauté au genre, il se permet également d’interroger le joueur. En effet, plusieurs sous-lectures sont à relever. Utilisant son pouvoir pour tenter de faire le bien, rapidement, Max se rend compte que revenir dans le temps pour orienter ses conversations vers des mots et des propos qui plairont forcément à son interlocuteur n’est pas forcément une solution viable à long terme. Doit-on toujours dire aux gens ce qu’ils veulent entendre ? De même, on se rend compte que, malgré le fait de changer le cours des choses, certains évènements sont impossibles à empêcher. Enfin, et sans spoiler outre mesure, pour moi, Life is Strange interroge le joueur sur des notions très intéressantes et que je n’avais jamais vues traitées dans un jeu vidéo. L’ambivalence de l’amitié, les liens ténus entre l’amitié et l’amour, l’homosexualité, la drogue, etc… Peut-être ferai-je d’ailleurs un autre dossier pour étudier deux, trois points spécifiques pour les gens qui ont terminé le jeu.
Vous venez de lire un beau pavé. Oui, c’est vrai. Mais… quel jeu aussi… Life is Strange, malgré ses quelques défauts, rentre pour moi dans le cercle très fermé des jeux qui m’ont profondément marqué.
Une petite vidéo du trailer est dispo à la fin, pour se faire une idée de l’atmosphère envoûtante du jeu.