Lundi dernier n’était pas que le dernier jour de l’année 2018. C’était aussi le dernier jour de travail de Jeanne, plus souvent appelée « Jeannette », à savoir, ma Mamie. Le personnage est extraordinaire, la situation, originale, je vous présente donc l’histoire de Jeannette, qui prit sa retraite à 88 ans, après 55 ans de services.
Si tu n’aimes pas lire, une petite vidéo reportage est à la fin de l’article.
Un peu d’histoire
Jeannette naît en 1930 dans le Sud-Ouest de la France. Elle connait la guerre alors qu’elle n’est qu’enfant, de quoi faire d’elle quelqu’un de très solide et habituée aux conditions spartiates. Elle rencontre mon grand-père dans les années 50 et se marie. Il part à Paris au début des années 60 pour trouver du travail dans une station service et elle le rejoint en 1963, avec ma maman et ma tante, alors toutes jeunes. Le 4 octobre, jour de son anniversaire, elle devient concierge d’un immeuble situé près de la Gare de Lyon. Un boulot qu’elle gardera jusqu’à lundi dernier, donc.
Chaque année, ma mamie fait son sapin de Noël et décore magnifiquement tout le hall de l’immeuble.
Concierge c’est quoi ?
Concierge, gardien d’immeuble, finalement, c’est quoi ? Déjà, c’est une veille constante dans une loge située dans le hall d’entrée de l’immeuble, prévue à cette effet. Accueil et renseignement des locataires, petits services rendus, conseils, mais aussi distribution du courrier le matin, puisque l’immeuble ne possède pas de boîtes aux lettres. Jeannette s’occupe aussi de sortir (vers 18h00) et rentrer (vers 21h00) les poubelles, à savoir d’énormes containers bien lourds : une tâche que je suis bien content qu’elle ne fasse plus. Fut une époque, ma grand-mère faisait encore bien plus, elle faisait alors le ménage, les petites réparations, elle mettait la vieille machinerie du chauffage centrale de l’immeuble en marche, faisait redémarrer l’ascenseur en accédant à la salle des machines, gérait les différents déménagements, un peu de repassage pour certains locataires, je l’ai vu aussi garder des enfants, sortir des squatteurs de l’immeuble, être ultra diplomate avec des SDF qui avaient souillé la devanture de l’immeuble… Bref, un boulot humain, sociale mais pas toujours facile.
Et maintenant ?
La famille a toujours été un peu perplexe face au cas de ma grand-mère. Fallait-il laisser celle-ci bosser à un tel âge ou prendre le risque de la voir dépérir loin de son activité et de « ses » locataires. Même depuis la mort de mon grand-père, en 2002, elle ne s’est pas laissée mener par le bout du nez et assure un véritable service de qualité et une vraie présence pour les locataires qui l’apprécient tous à sa juste valeur.
Après plusieurs mois un peu compliqués pendant lesquels on ne savait pas trop à quelle sauce elle allait être mangée, nous savons maintenant que Jeannette va pouvoir garder sa loge en partie réaménagée et y vivre. Les travaux lui permettront d’avoir enfin une salle de bain et des toilettes directement dans son logement, certes, avec une perte de quelques mètres carrés.
Respect
J’ai pas vraiment de respect particulier pour les carriéristes, les gens qui ont fait de leur travail le point central de leur vie. Sauf quand ce boulot a une valeur social ou à pour vocation d’aider autrui. J’ai vu ma grand-mère rendre moult services, et j’ai vu aussi de nombreuses fois des gens heureux de la voir et contents de pouvoir discuter avec elle. L’un des plus anciens locataires de l’immeuble le résume dans un très gentil petit mot qu’il lui a adressé récemment, disant qu’il était heureux de pouvoir enfin la tutoyer et dire bonjour à « Jeannette », et au revoir à « Madame la Gardienne ». Je trouve la tournure délicate et bien choisie.
Spéciale dédicace à une grand-mère exceptionnelle. Parce que je ne l’ai pas dit non plus, mais c’était implicite, car si c’est une gardienne en or, c’est avant tout une mamie en diamant.