Le Point dans la gueule

Étant, de par mon métier, toujours assez proche des parutions de beaucoup de magazines et de journaux, mes yeux sont obligés de se pencher, chaque semaine, sur plusieurs étrons journalistiques dont je ne me servirais pas même pour faire un feu de cheminée. Parmi les grands hebdomadaires aux titres racoleurs, on retrouve notamment Marianne (on peut se dire de gauche ou républicain et écrire de la merde, comme quoi je ne suis pas extrémiste), l’Express et Le Point. Point commun de ces bouses : on choisit la couleur rouge pour attirer le regard et pousser les gens à consommer et à acheter les pires merdes possibles, un peu comme les gros relous qui font les kékés dans des voitures de sport (rouges aussi) pour compenser par la puissance du moteur et le nombre de chevaux, l’évidente atrophie incapacitante de leurs parties génitales. En plus de ces couvertures qui flashent, on agrémente avec des Unes en jaune ou rouge, avec une grosse police qui fait peur, genre Impact. Quand ce ne sont pas les musulmans qui profitent du système et ce salauds de fonctionnaires aux mille privilèges qui alimentent les titres de ces torchons, ces derniers trouvent d’autres bouc-émissaires. Cette fois-ci, ce sont les jeux vidéo, sujet déjà fort bien maltraité par les médias généralistes. Mais là, avec l’article dont je vais vous parler, on arrive vraiment à un degré de méconnaissance, d’amalgame et de niaiserie rarement atteint.

L’article en lui-même est consultable ici. Je vous laisse lire hein. Asseyez-vous avant, quand même. Ok. Bon. Tout est là :

-L’étalage d’affirmations sans aucune précision des sources. « De l’avis unanime des psys et des éducateurs, la plupart des enfants qui abusent de leur console sont plus agressifs et renfermés que les autres. » Source ! SOURCE BORDEL !

-La demande de taxation d’un secteur qui marche et dont le journaliste ne connait absolument aucun tenant ni aboutissant (et qui ignore déjà que c’est la croix et la bannière pour développer un jeu en France, faute d’aides).

-Le mélange des genres et la dramatisation s’appuyant sur des exemples ultra ciblés : on parle de Breivik et de Merah, mais on n’oublie de dire que l’un était surtout un fasciste d’extrême droite adepte des armes à feu et que l’autre un extrémiste religieux, non, ce sont surtout des gamers… On oublie par la même occasion de dire que de plus en plus de français sont joueurs, et que ça ne fait pas d’eux, pour autant, des tueurs en série !

-La conclusion over the top avec un appel à François Hollande, la comparaison avec le Nuttella, l’intro sur les luttes intestines de l’UMP pour essayer de faire une transition avec l’actualité (que même un élève de CM1 n’oserait pas tenter), le tout avec douceur et saupoudré d’une grande rigueur et d’une analyse d’une extrême précision.

-Le ton cynique, quasi prophétique même. « Voyez Andy qui, à 16 ans, abat à coups de fusil ses parents et ses deux petits frères en Corse » J’imagine la journaleuse qui a écrit ce torchon, les tables de la loi dans une main, en train de parler à la foule incrédule. « VOYEZ, LES JEUX VIDEO ! CES CREATEURS SANS SCRUPULES, NOUVEAUX SS DU 21ème SIECLE ! AU BUCHER LES HÉRÉTIQUES, LES GAMERS PSYCHOPATHES, QU’ON LEUR COUPE LA TÊTE »

Tout en cet article résume admirablement bien ce qu’il y a de plus détestable dans les médias et le traitement de l’information mainstream. Car à l’absence totale de connaissance du sujet et d’une terrible mauvaise foi, il y a quelque chose de bien plus inquiétant, quelque chose qui va bien plus loin que ce seul article qui, en lui-même, n’a rien d’exceptionnel mais se révèle extrêmement révélateur : la volonté de manipuler l’esprit des gens, de leur faire emprunter le chemin de la pensée unique, en répétant, en rabâchant les mêmes titres, les mêmes dangers, les mêmes craintes. La peur de l’autre, qu’il soit musulman, juif, franc-maçon, fonctionnaire, salarié du privé, chômeur, intermittent du spectacle, etc.

La vraie question est : a qui profite le crime ? Quel est le but de ces torchons si ce n’est d’apprendre à monter les gens les uns contre les autres, les faire se détester, leur apprendre leur différence plutôt que leurs points communs ? A se faire du blé, bien sûr, mais je suis sûr que ça va beaucoup plus loin… Et si nous reprenions les éléments dans le sens inverse. A quand un article du Point, ou de l’Express avec un énorme titre : les médias, leurs réseaux, leurs patrons, les salaires des PDG, les quelques sociétés qui les dirigent tous. Et tout ceci n’est bien entendu que la partie visible de l’iceberg, les médias de la TV sont également les premiers à nous diffuser l’info qu’ils veulent qu’on entende, et qui devient finalement, celle que l’on veut entendre. Parce qu’au final, les gens finissent par être persuadés de la véracité de tout ce que dit la boîte à connerie ou les magazines comme Le Point. Parce que la réalité ne les intéresse plus, bien évidemment. Comme le dit Dieudonné (mon dieu, tant de risques à évoquer cet humoriste maintenant) : si les gens étaient intéressés par la réalité, ils éteindraient leur télé et regarderaient par la fenêtre. Mais quand on voit la vie en vrai, difficile de bien définir le bien du mal, qui a raison de qui a tort, car les choses sont bien plus nuancées qu’elles n’y paraissent… Et il est évident, après lecture d’un tel article, que la nuance ne fait pas partie du registre de ce type de publication.

Un petit exemple, pour terminer, et pour vous montrer la force, et « l’intelligence » des médias. Nous sommes quelques années en arrière, je suis en troisième année de Lettres, à Paris III, et je participe au comité de blocage de l’université (j’étais jeune, pas de commentaires, MERDE !). A l’époque, c’est la fameuse histoire des CPE. Mon avis sur le blocage et la façon d’alerter les étudiants évoluera au fur et à mesure des mois (il n’y a que les idiots qui ne changent pas d’avis), mais à ce moment là, je peux voir le mouvement étudiant de l’intérieur. Une chaîne de télévision vient nous interviewer pour le journal. A priori, il s’agit de France 2, pas forcément les pires en terme de journalisme à sensation. Si la caméra avait été floquée du logo de TF1, peut-être aurions-nous eu des soupçons, mais là, moins. Après une interview très rapide, quelques clichés des bâtiments de la faculté, les journalistes repartent. Nous leur avons précisément expliqué le fait suivant : La reconduction du blocage de l’université est votée chaque matin en amphithéâtre. Le lendemain, au journal de France 2, les mêmes journalistes, sans même frémir du sourcil ou de l’oreille, affirment d’une voix que le blocage ne se terminera pas tant que les CPE ne seront pas abrogé. En d’autres termes : l’exact contraire de ce que nous leur avions pourtant dit très clairement ! De quoi faire passer le mouvement de blocage comme entité très peu démocratique, ce qui n’était pas le cas.

Quand on voit que pour une simple broutille comme ça, déjà, les journaleux mentent et refont l’information à leur sauce… imaginez donc pour les évènements très importants, les guerres, les soit-disant dictateurs, extrémistes… De quoi se poser beaucoup de questions. Et se poser des questions, c’est plutôt bien, ça évite de rester les moutons qui mangent le caca que nous servent ces gens à longueur de journée.

Je noircis le tableau, bien entendu, car heureusement, il existe des gens éclairés, en témoigne ce très bon article de FibreTigre, dans le Nouvel Obs. Restons éclairés, tolérants, et vive le jeu vidéo, qui a surtout pour tort d’être un marché ayant le vent en poupe, au contraire de la télévision ou de la presse papier. Un peu jaloux peut-être, les mecs du Point… Non ?


2 Comments

  1. Le carré novembre 29, 2012 3:52  

    Certes

    Article qui a suscité de vives réactions!

    Attention tout de même à ne pas rester dans le jeu de l’amalgame..

    Le Point est un bon magazine, malgré son positionnement politique.

    Mettons les POINT sur les i (jeu2mot) à l’aide de mise en condition par syllogisme veux-tu:

    Ce n’est pas parce que tu vas au carrefour le plus proche de chez toi et que la caissière est odieuse QUE cela fait de ce carrefour un MAUVAIS carrefour

    Ce n’est pas parce qu’il y a une scène de cul dans un film QUE cela fait de ce film un film de cul (true story)

    Ce n’est pas parce que quelqu’un se fait aggresser dans un quartier QUE cela fait de ce quartier un MAUVAIS quartier

    Ce n’est pas parce que UN AUTEUR DU POINT écrit de la merde QUE cela fait du Point un magazine de MERDE

    Après on peux se poser la question de comment tous ces journalistes arrivent à ce formatage (et non fromagate) et a rendre l’entiereté du magazine crédible dans ses d’opinions politiques.. Mais si tu regarde bien, (ils sont là et te regardent, cf lesbichons) tous les topics lancés par ces « web-journalistes » restent complètement subjectifs.. derrière l’article qui s’affiche sur ton écran il y a un être humain, quelqu’un qui a une perception des choses propres à lui même.. a elle, même. peut être même EN elle même mémé. Mais il est intolérable que ce genre de propos soit lancé sans aucun fondement, et malheureusement c’est encore trop fréquent chez les journalistes.

    Mais que veux-tu. Etrange est ce monde dans lequel on vit.

    Humblement

    Edgar

  2. CaliKen novembre 30, 2012 10:15  

    Cet article nauséabond s’ajoute tout de même a des unes très racoleuses et des articles de fond souvent très borderline. Je ne parcours effectivement pas le Point dans son intégralité, mais ne serait-ce que lire les grands dossiers et on est vite mis dans le bain…

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